AFFAIRE DÉMOLITION DE L’HÔTEL NOOM COTONOU: VOICI COMMENT LE GROUPE TEYLIUM DE YERIM SOW A VOULU GRUGER LE BÉNIN.
Depuis quelques jours, une polémique fait le tour des réseaux sociaux au sujet de la démolition d’un bâtiment de Noom Hôtel Cotonou. Une polémique qui fait suite à une publication d’un quotidien de la place, relatif à la démolition dudit immeuble.
Des commentaires et autres insinuations, sinon tendancieux du moins qui jurent avec la vérité du dossier, ont fait le tour de la toile.
De quoi retourne l’affaire ?
Quels sont les manquements du promoteur qui ont conduit l’Etat béninois, pour la sauvegarde de ses intérêts, à engager les démarches subséquentes ? Y a-t-il eu, dans ce dossier, abus de la part de l’État?
Au début des années 2010, Monsieur Yérim SOW, Promoteur du Groupe TEYLIOM, a soumis aux autorités béninoises son projet d’implantation au Bénin, notamment à Cotonou, d’un complexe hôtelier de luxe.
Sur la base d’un contrat de bail emphytéotique signé le 29 juin 2012, les autorités béninoises, intéressées par le projet, ont mis à la disposition de la société TEYLIUM PROPERTIES BENIN SA en abrégé « TPB SA », agissant comme filiale béninoise du Groupe TEYLIOM, un domaine de deux (02) hectares appartenant à l’État béninois. La durée du contrat ainsi conclu est de 99 ans mais il prévoit que les deux parties peuvent y mettre fin par anticipation, par exemple en cas d’inobservance des charges et conditions dont notamment le défaut de mise en valeur dans les délais contractuels.
La société TPB SA, dès lors et aux termes du contrat, s’engageait à payer une redevance de trois millions huit cent mille trois cent quatre-vingts (3.800.380) FCFA par an, à clôturer le domaine et surtout à y réaliser, dans un délai de trente (30) mois à compter de la signature du contrat, un complexe hôtelier de standing international d’une valeur minimum de dix milliards (10.000.000.000) de FCFA.
Par la suite, il a été observé que, par acte notarié en date du 16 décembre 2013, la société TPB SA, alors même qu’elle n’est pas propriétaire du domaine, a apporté le bail emphytéotique et les droits annexes qui en découlent, au capital de la société CHAIN HOTEL COTONOU SA qu’elle a constituée avec ses partenaires béninois dans la perspective de la construction et de l’exploitation du complexe hôtelier.
De fait, en contrepartie de cette cession, TPB SA a reçu 380.038 actions d’une valeur unitaire de dix mille (10.000) FCFA soit au total la somme de trois milliards huit cent millions trois cents quatre-vingt mille (3.800.380.000) FCFA.
Il s’ensuit qu’à la suite de cette opération qui consacre la cession du droit au bail à CHC SA, TPB SA a réalisé une plus-value fiscale qui n’a fait l’objet d’aucune déclaration à l’État béninois et à ses services compétents.
Par ailleurs, l’État béninois a continué à accomplir ses obligations en vue de faciliter au promoteur, la réalisation de son projet. C’est ainsi que, par le décret N°2013-496 du 26 novembre 2013 portant agrément hors Code des investissements, hors Code Général des Douanes de la société CHAIN HOTEL COTONOU, il lui a été accordé divers avantages fiscaux et douaniers afin de réduire les coûts de réalisation du projet.
Seulement, malgré ces facilités et bien que les renseignements indiquent qu’il a reçu un financement conséquent auprès d’une institution bancaire de la sous-région, le Groupe TEYLIUM n’a pas achevé les travaux de construction dans les délais prévus au contrat.
Ceux-ci sont arrivés à échéance en mars 2016. Dès cet instant, la défaillance du groupe était manifeste. Pourtant, pour prouver la bonne foi de l’Etat, le Gouvernement Béninois lui a accordé une prorogation de vingt-quatre (24) mois dont le terme était fixé à mars 2018. Mieux, à l’appui de cette prorogation, il a reconduit les conditions préférentielles initiales accordées au Groupe TEYLIUM.
Malgré cette faveur, ledit Groupe se montrera à nouveau défaillant à l’issue de cette période de prorogation de deux ans. Nonobstant, l’Etat béninois s’est montré ouvert et lui a accordé une nouvelle prorogation de délai d’une durée de six mois jusqu’au 26 novembre 2018, date à laquelle les travaux de construction du complexe hôtelier étaient censés prendre fin.
On peut le constater aisément, dans ce dossier, l’Etat béninois a fait tout son possible pour créer au promoteur, les conditions les plus favorables en vue de lui permettre de réaliser son projet. L’Etat a fait preuve de compréhension et de beaucoup de patience, et de clémence.
Mais en dépit de toutes ces faveurs, le promoteur n’a jamais pu conduire le projet à son terme. Il n’a donc pas mis en valeur le domaine mis à sa disposition.
Pendant tout ce temps, le promoteur n’a payé qu’une seule fois les redevances annuelles dues au titre du bail emphytéotique conclu avec l’Etat.
C’est dans ces conditions que, face à l’impossibilité manifeste pour le Groupe TEYLIUM de fixer une date crédible pour achever les travaux, et de procéder au règlement des redevances, l’Etat béninois a été obligé de prendre acte des défaillances ainsi accumulées et de prononcer la résiliation du bail emphytéotique dans les règles prescrites.
En effet, c’est par un courrier en date du 28 février 2020, que l’Etat, d’attente lasse, l’a sommé de remettre le domaine loué en l’état et de le libérer.
À cet effet, à l’occasion d’une séance de travail tenue avec les Ministres de la Justice et des Finances, l’Etat béninois a proposé aux représentants du Groupe TEYLIUM un accompagnement financier en cas de retrait volontaire.
C’est face à l’inaction du promoteur que l’Etat béninois s’est résolu à saisir la justice. Ainsi, en première instance comme en appel, son action visant à obtenir l’expulsion des lieux a été approuvée. Et le promoteur était bien représenté au procès par une pléiade d’avocats.
Il convient donc de noter que la démolition en cours n’est pas arbitraire mais qu’elle découle bien d’une décision de justice. Mieux, avant d’engager cette opération, l’Etat a fait procéder à l’expertise de l’immeuble inachevé pour en déterminer le coût à toutes fins utiles.
Il n’est pas superflu de faire observer que les recherches effectuées ont permis de constater que depuis 2014, la société TPB SA n’est même pas à jour de ses obligations fiscales.
Élise Agbodjan