ÉTHIOPIE : L’ENLISEMENT PROGRESSIF QUI VA PLONGER LE PAYS DE SÉLASSIÉ DANS LA GUERRE CIVILE.

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Les affrontements entre l’armée fédérale et les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) entraînent le pays progressivement dans le chaos. Le TPLF, qui a prolongé la zone de conflit de la province du Tigré vers les provinces d’Amhara et d’Afar, continue de nouer des alliances avec des groupes armés en désaccord avec le gouvernement dans différentes parties du pays.

L’Armée de Libération Oromo (OLA), qui s’est désolidarisée du Front de Libération Oromo (OLF), considérée comme « terroriste » par le gouvernement, a annoncé mercredi qu’elle entreprend coopérer militairement avec le TPLF et travailler à former une coalition avec d’autres groupes d’opposition.

Le TPLF, potentiel allié des rebelles de Gumuz dans la province occidentale de Benishangul Gumuz, où le barrage de Hedasi a été construit, a déclaré qu’il n’acceptera pas le cessez-le-feu tant que ses conditions ne seront pas prises en compte.

Le Premier ministre Abiy Ahmed a appelé ses concitoyens à « rejoindre l’armée » suite à la progression du TPLF. À ce jour, on compte 2,1 millions de personnes déplacées en raison du conflit à Tigré et ses environs et 80 000 autres ont fui vers le Soudan. Les organisations internationales de défense des droits de l’Homme accusent les deux camps de crimes de guerre.

Le TPLF progresse

L’armée éthiopienne a remporté un succès partiel dans l’opération qu’elle a lancée contre les rebelles du TPLF en novembre 2020 et a pris le contrôle de la capitale du Tigré, Mekelle. Les troupes de l’armée sont restées à Mekelle pendant environ 7 mois et se sont ensuite retirées de la région le 28 juin, invoquant la situation humanitaire. Après le retrait de l’armée éthiopienne du Tigré, les conflits se sont étendus à Afar et à Amhara, provinces septentrionales dans lesquelles le TPLF poursuit son avancée.

Alliance entre l’OLA et le TPLF

L’OLA, considérée comme une organisation « terroriste » par le gouvernement éthiopien, a annoncé mercredi avoir formé une alliance avec le TPLF. « La seule solution est de renverser ce gouvernement militairement et d’employer leur type de langage », a déclaré Kumsa Diriba, leader de l’OLA.


Diriba a souligné que les négociations se poursuivent avec le TPLF pour une coopération politique, notant que d’autres groupes dans le pays formeront également une grande coalition contre le gouvernement d’Abiy Ahmed. L’OLA, qui n’a pas participé à l’accord de paix que l’OLF a conclu avec le gouvernement en 2018, avait récemment annoncé son retrait de l’OLF.

Les violations des droits de l’Homme augmentent dans les zones de conflit

Dans le nord du pays, alors que les affrontements se poursuivent entre les unités de l’armée et les rebelles les cas de violation des droits humains à l’instar des massacres, des viols et la torture augmentent. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a accusé le gouvernement et le TPLF de violations dans le conflit en cours dans la région du Tigré.

Le bureau du Commissaire a noté que les troupes érythréennes avaient également commis des violations des droits de l’Homme dans la région du Tigré, et a appelé à un retrait rapide et concret.

Amnesty International a, pour sa part, accusé la police éthiopienne de détenir et d’arrêter arbitrairement des ressortissants de Tigré en raison de leur identité ethnique. Dans son rapport publié mercredi, l’organisation a déclaré que les militaires éthiopiens et érythréens avaient fait usage des agressions sexuelles et des viols comme « armes. »

Le Premier ministre éthiopien a réagi en expliquant que les rebelles du TPLF utilisaient des enfants soldats pour s’emparer de nouveaux territoires, et a pointé du doigt le silence de la communauté internationale face aux violations présumées des droits de l’Homme commises par le TPLF.

Le Soudan « alimenterait le terrorisme » en Éthiopie

Pour une première fois, un diplomate éthiopien de haut rang, en affirmant que les généraux soudanais alimentaient les troubles internes en Éthiopie via des ordres venus d’autres pays, a directement visé le Soudan.

Alemayehu Tegenu, ambassadeur d’Éthiopie à Moscou, a affirmé que le Soudan soutenait les rebelles dans le nord et l’ouest de l’Éthiopie, et alimentait « le terrorisme. »

Tegenu, dans une déclaration sur Twitter le 2 août, a affirmé que le Soudan soutenait les rebelles Gumuz dans le nord du TPLF et dans l’État de Benishangul-Gumuz, où le barrage Hedasi est en cours de construction.


Notant que le TPLF est proche de l’ancien régime soudanais, Tegenu a ajouté que les généraux pro-Omar el-Béchir, l’ancien Président soudanais entraînent des combattants du TPLF, ce qui nuit gravement aux relations entre l’Éthiopie et le Soudan. Le gouvernement éthiopien a rejeté l’offre du Soudan de négocier avec le TPLF.

États-Unis : pas de solution militaire au conflit en Éthiopie

Dans une déclaration faite sur Twitter avant sa visite en Éthiopie, Samantha Power, directrice de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), a déclaré qu’il n’y a pas de solution militaire au différend entre les rebelles et le gouvernement fédéral en Éthiopie, appelant toutes les parties à un « cessez-le-feu ».

Elle a exigé le retrait des milices Amhara des régions Amhara et Afar du TPLF du Tigré occidental et le retrait de l’armée érythréenne de l’Éthiopie.

Elle a également appelé à la fin du blocus commercial du Tigré.

L’ONU lance l’alerte au sujet de la « famine »

L’Organisation des Nations unies (ONU) a annoncé qu’après 8 mois de conflit dans la région du Tigré en Éthiopie, 5,2 millions de personnes, soit 90 % de la population, ont besoin d’une aide humanitaire vitale.

Selon l’ONU, des milliers de personnes avaient été tuées dans des combats au Tigré, même si le nombre exact reste à être déterminé.

Dans le communiqué, qui indique que des millions de civils dans la région font face à de graves problèmes de sécurité alimentaire et de famine, il est précisé que la situation de malnutrition aiguë est fréquent chez les enfants.

L’Éthiopie a annoncé qu’elle suspendait le travail de Médecins Sans frontières (MSF), du Conseil norvégien pour les réfugiés et de la Fondation Al-Maktoume, invoquant des activités illégales.

2,1 millions de personnes ont fui les conflits

En outre, 2 millions de personnes se sont déplacées en raison des affrontements au Tigré et environ 100 mille autres auraient émigré après les récentes attaques du TPLF contre la province d’Afar. Quelques 78 mille personnes ont fui le conflit dans la région du Tigré en Éthiopie et se sont réfugiées au Soudan.

Les personnes qui ont été obligées de fuir leurs maisons après que le TPLF a déplacé les conflits dans la province du Tigré vers les voisins Afar et Amhara, tentent de survivre dans des camps de fortune avec l’aide du gouvernement fédéral.

-Conflit entre TPLF et Abiy Ahmed


Le TPLF, qui fut un temps une force active dans la politique du pays, est entré en conflit politique avec des partis représentant les plus grands groupes ethniques du pays, les Amhara et les Oromo, après l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed en 2018.

Après avoir dissous la coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF) formée par des partis locaux dans les États du Sud, d’Amhara, d’Oromiya et du Tigré, Ahmed a ensuite formé le Parti de la Prospérité (PP).


Le TPLF, qui a refusé d’adhérer au nouveau parti, a tenu les élections locales et a déclaré illégitimes Abiy Ahmed et son gouvernement, vainqueurs des élections législatives. Le TPLF souhaite que le gouvernement fédéral reconnaisse sa domination dans sa région, poursuive les criminels de guerre et accorde l’autodétermination au peuple du Tigré. Les experts estiment que le TPLF préférerait être un allié du pouvoir en place et faire partie Éthiopie plutôt que de de faire sécession.

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