PRÉSIDENTIELLES DE CÔTE D’IVOIRE EN OCTOBRE: ALASSANE OUATTARA ET LA BOÎTE DE PANDORE.

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Quoi qu’on en dise, Alassane Ouattara est candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. L’annonce a été faite par le président ivoirien lui-même, lors de son allocution à la Nation, à l’occasion du 60 ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

La question de la candidature d’Alassane Ouattara, à l’élection présidentielle d’octobre 2020, suscite le débat depuis le vote de la nouvelle loi fondamentale en 2016, à l’issue d’un référendum organisé à l’initiative du chef de l’État ivoirien, qui a commis des experts pour rédiger un avant-projet de Constitution. Pour ses opposants, Alassane Ouattara a opéré un passage en force, en vue de se maintenir au pouvoir, « en dépit de son inéligibilité conformément à la Constitution de son pays.»

« L’idée d’un troisième mandat, le chef de l’État actuel le sait, est anticonstitutionnelle, inacceptable et irréalisable en Côte d’Ivoire », avait déclaré, dans un communiqué, le président de la coalition politique « Ensemble pour la démocratie et la souveraineté » (EDS), le Pr Georges Armand Ouégnin.

Mais les partisans du président du RHDP, qui rétorquent que la nouvelle Constitution donne lieu à la troisième République, estiment de ce fait que c’est un nouveau départ qui permet à leur champion de briguer un nouveau mandat.

Interviewé par France 24, en novembre 2017, le président du RHDP déclarait : « À priori, je ne me présenterai pas en 2020 […] En politique, on ne dit jamais non. Attendez 2020 pour connaître ma réponse ».

De fait, Alassane Ouattara a contribué a alimenter la polémique sur sa candidature en entretenant le flou. Sa position a varié au fil du temps.

Dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique en février 2018, Alassane Ouattara confiait : « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes. » Mais le 5 mars 2020 à Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire, contre toute attente, il met un terme à la controverse enflammée que déchaîne sa probable candidature. Devant le Parlement réuni en Congrès, le président ivoirien a fait part de sa décision « de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération. »

Le premier ministre Amadou Gon a été désigné pour défendre les couleurs du RHDP à la prochaine présidentielle, mais le 8 juillet 2020, celui-ci est décèdé dans la salle du conseil des ministres à Abidjan, à la suite d’un malaise cardiaque, alors qu’il rentrait de France après un séjour médical de deux mois.

Invité par le comité politique de son parti à briguer un troisième mandat, Alasane Ouattara a acquiescé, invoquant « un cas de force majeure ». Le 7 aout 2020, il a exposé les raisons de ce revirement : « Le calendrier très serré, à peine trois mois avant l’élection présidentielle ; les défis auxquels nous sommes confrontés pour le maintien de la paix, la sécurité nationale et sous régionale ainsi que la nécessité de juguler la crise sanitaire ; le risque que tous les acquis, après tant d’efforts et de sacrifices consentis par toute la population, soient compromis ; le risque que notre pays recule dans bien des domaines ; tout cela m’amène à reconsidérer ma position. Face à ce cas de force majeure et par devoir citoyen, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens me demandant d’être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. » Cette sortie du chef de l’État a soulevé divers réactions dont celle du journaliste-écrivain, Serge Bilé. « Un homme qui n’a pas de parole ne mérite pas le respect. Un président qui n’a pas de parole et qui viole la Constitution de son pays mérite encore moins le respect. À trop se prendre pour Mandela on finit comme Mugabe », a-t-il riposté.
Pour Simone Gbagbo, « la candidature d’Alassane Ouattara est irrecevable, car elle est anticonstitutionelle.» Dans la même veine, l’opposition s’indigne : « En annonçant, contre toute attente, sa candidature pour un troisième mandat à l’élection du Président de la République du 31 octobre 2020, M. Alassane Dramane OUATTARA donne des arguments au peuple de Côte d’Ivoire par l’amer constat :

– qu’il viole, de façon flagrante, la Constitution dont il est sensé être le garant ;

– qu’il manque ainsi à son serment de protéger la Constitution, la loi fondamentale ;

– qu’il n’est plus digne de confiance dès lors qu’il renonce à la parole donnée ;

– qu’il manque de considération pour le peuple de Côte d’Ivoire à qui il a servit un mépris souverain le 06 août 2020, lors de son adresse à la Nation », peut-on lire dans un communiqué signé le 12 août 2020 par les Partis et Groupements politiques de l’Opposition ivoirienne, qui “appellent leurs militants, militantes, sympathisants, sympathisantes et l’ensemble des populations ivoiriennes à la mobilisation.”

À en coire Boniface Ouraga Obou, le président du comité d’experts commis par Alassane Ouattara, pour la rédaction de la nouvelle Constitution de 2016, dont les propos sont rapportés le quotidien pro-gouvernemental Fraternité Matin du 10 octobre 2016, « toutes les dispositions antérieures qui ne sont pas contraires aux nouvelles ne sont pas abrogées (…) Il y a la continuité législative dont il est question dans l’article 183. Il n’y a donc pas de suspension. Et cela s’impose à tous. Au regard de l’article 183, ce n’est pas parce qu’il y aura la nouvelle Constitution, que tout ce qui existait avant sera caduc… »

En Côte d’Ivoire, des manifestations contre la candidature d’Alassane Ouattara ont lieu depuis quelques jours, et des dégâts matériels et humains sont à déplorer. Pendant ce temps, des Ivoiriens de la diaspora organisent des rencontres en France, pour « demander au président Ouattara des respecter la Constitution de son pays. »

Ebenezer Adjikou

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