ROSINE SOGLO: UNE MÈRE CONTÉE PAR SON FILS…
Beaucoup de gens ne le savent pas, mais ma mère a perdu sa mère très tôt. Elle a alors appris le sens de la débrouillardise. Elle n’a pas appris à courir dans les bras de quelqu’un quand elle a mal, ou se plaindre en attendant que les choses s’arrangent pour elle. Elle a appris à aller vers ce dont elle a besoin et se battre pour l’obtenir.
Ma mère n’a pas le genre d’amour classique plein de câlins et de douceur envers les gens. Elle n’a pas été élevée avec des câlins. Elle n’a pas grandi dans la douceur. Elle est incomprise de beaucoup parce qu’elle ne manifeste pas le schéma traditionnel de l’amour maternel. La vérité est qu’elle ne peut pas démontrer ce pour quoi elle n’a pas été enseignée. Son amour est brut mais profond. Il y a des blessures que l’argent ne peut guérir, que la position politique ne peut guérir, il y a des blessures que même la maternité et l’amour de vos enfants ne peuvent cicatriser. Il y a des blessures que même le fait d’avoir été une Première Dame et d’avoir épousé l’homme le plus puissant d’un État ne peuvent guérir. C’est un vide qui ne s’explique pas.
Ma mère manifeste son amour par des services aux autres, ce qui l’emmène à prendre des initiatives même lorsque personne ne les attend d’elle. C’est le genre de femmes qui ne s’épanouit qu’en rendant les autres heureux, qu’en étant active, qu’en étant pour les autres, la mère qu’elle aurait aimé avoir et qu’elle n’a jamais eu. Ce qui est triste, c’est que bien souvent, les gens la croient si forte et si insensible qu’ils n’hésitent pas à la blesser, parce qu’ils se disent qu’elle est inébranlable, que rien ne la touche. Ce n’est pas vrai. On peut être une femme forte mais assoiffée d’amour. On peut être une femme forte, indépendante mais avoir besoin d’attention. Parfois, la force d’une femme est une carapace qu’elle érige volontairement pour se protéger de ceux qui peuvent la blesser alors qu’elle saigne déjà.
Comprendre ma mère m’a été d’un grand secours pour élever ma fille. Ma fille ! Ah ma fille! C’est mon fan n°1. Très intelligente! Pleine d’amour. J’ai réalisé que plus je donnais de l’amour et de l’attention à ma fille, plus elle était heureuse et me le rendait bien en retour. Le moindre compliment que je lui faisais lui donnait de l’énergie pour décupler davantage son potentiel.
C’est ce qui manque le plus aux femmes et aux filles : de l’amour. Quand une femme est encouragée, aimée, tout le potentiel enfoui dans ses entrailles se libère. Elle est alors capable de faire des choses insoupçonnées, des choses exceptionnelles dont elle est la première étonnée.
Une femme focalisée est capable d’aller plus loin que les hommes. Quand une femme est décidée à accomplir quelque chose, même malgré les douleurs, malgré le manque, malgré la solitude, malgré le rejet, l’incompréhension et l’humiliation, elle est capable de porter son rêve, son projet, délicatement comme une grossesse et le mener à terme pour l’accoucher. J’ai beaucoup de respect pour les femmes. Parce que je suis né d’une femme qui ne se laisse arrêter par rien ni personne lorsqu’elle se décide à accomplir quelque chose. »
Narrateur : Ganiou Daouda Soglo
Propos recueillis par Arielle Heaven en Novembre 2017